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Inauguration Statue Alice Milliat  26 juillet 2025

JO paritaires : un an après, mythe ou réalité ?

Le 26 juillet 2024, Paris accueillait les premiers Jeux Olympiques paritaires de l’histoire. Un évènement salué comme un moment de bascule dans le monde du sport : pour la première fois, femmes et hommes étaient représentés à égalité dans les compétitions. Cette avancée, revendiquée de longue date par Alice Milliat, marquait enfin la reconnaissance officielle de ce que les sportives du monde entier ont toujours prouvé sur les terrains : leur place est pleine et entière.

Ce même jour, dix statues représentant dix grandes figures féminines Françaises reconnues mondialement, dont Alice Milliat, étaient dévoilées au cœur de la cérémonie d’ouverture. Un hommage puissant, symbolique, spectaculaire. Pour la première fois, la visibilité des femmes dans le sport s’imposait dans une scénographie mondiale, devant des milliards de spectateur·ices.

Un an plus tard, jour pour jour, ces dix statues de femmes en or, retrouvent une place à Paris, Porte de la Chapelle, à 100 mètres de l’Esplanade Alice Milliat elle aussi inaugurée en ce jour anniversaire. C’est un ancrage fort, un geste architectural et politique. Mais c’est aussi une question que nous posons : la parité dans le sport n’a-t-elle été qu’un feu d’artifice d’été ou marque-t-elle une transformation réelle et durable ?

Car la parité dans les chiffres ne raconte pas tout. Et surtout, elle ne suffit pas.

Il y a un peu plus de cent ans, Alice Milliat organisait les premiers Jeux Olympiques féminins le 20 aout 1922. Une initiative de résistance, face au refus obstiné du Comité International Olympique d’accueillir les femmes comme athlètes ; "Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte", estimait le père des Jeux Olympiques modernes. Alice Milliat l’avait bien compris : pour être visible, il faut créer ses propres structures, inventer ses propres espaces, forcer les portes.

Depuis dix ans, l’association Alice Milliat prolonge cet héritage, au croisement du féminisme sportif et de la mémoire historique. Dix ans de mobilisation, de plaidoyer, d’actions concrètes. Dix ans pour rappeler que la mémoire n’est pas un luxe, mais un outil pour avancer. Après l’inauguration d’une statue au CNOSF en 2021, cette année 2025 marque une reconnaissance majeure : le 19 juin dernier, lors de son assemblée générale, le CNOSF a officiellement intégré l’association comme membre associé au même titre que le comité Coubertin. Une étape institutionnelle décisive. Une manière de dire que le combat pour l’égalité femmes-hommes dans le sport est désormais pleinement reconnu dans les instances qui structurent le sport français. 

Le féminisme, c’est aussi au stade qu’il se joue !

Mais cette reconnaissance ne suffit pas. Car derrière les chiffres de parité se cache encore une réalité contrastée En 2015, seuls trois équipements sportifs en France portaient le nom d’Alice Milliat. Grâce au travail de mémoire de l’association c’est, à date plus de 80 équipements à son nom. Ce chiffre reste modeste face aux milliers de lieux baptisés du nom d’hommes, mais il montre qu’un basculement est en cours. Le sport n’est plus seulement un espace masculin par défaut : il devient peu à peu un terrain partagé. 

Derrière les statues, les cérémonies et les annonces, la réalité du quotidien est plus contrastée. Les sportives ont encore moins de temps d’antenne que leurs homologues masculins. Elles sont moins bien payées, moins médiatisées, moins soutenues. Elles accèdent encore rarement aux postes d’encadrement, à la direction technique, à l’entraînement de haut niveau.


Les Jeux de Paris ont amorcé une transformation. À nous de la prolonger. La mémoire ne doit pas être un exercice de style, mais un moteur d’action. Honorer les figures féminines du sport, c’est bien. Mais cela doit s’accompagner de moyens, de décisions, d’investissements. Il ne s’agit pas seulement de réparer le passé, mais de construire un futur plus équitable.

Faut-il une statue pour chaque héroïne invisible ? Peut-être. Mais surtout, il faut construire un récit collectif qui ne les oublie plus, une histoire du sport qui ne laisse plus les femmes sur le banc de touche. Une politique qui ne se contente pas d’égaliser les quotas, mais transforme en profondeur les pratiques, les représentations, les règles du jeu. Qu’elles voient dans l’espace public, sur les murs de leurs gymnases ou leurs stades, des noms qui leur ressemblent.

Ce 26 juillet 2025, nous redécouvrons ces dix statues, symboles d’un héritage qu’on ne peut plus effacer. Mais c’est aussi un appel. Un appel à celles et ceux qui veulent que l’égalité ne soit pas un slogan, mais une réalité ancrée.

Alice Milliat disait : « Les femmes doivent participer aux compétitions parce qu’elles sont des êtres humains, et qu’en tant que tels, elles ont droit à la même liberté que les hommes. »

Un siècle plus tard, sa voix résonne encore. Elle est désormais gravée dans le bronze, et dans l’histoire. À nous d’en faire une force d’avenir



Jeux paritaires, statues dorées… et après ?  26 juillet 2025

Par Aurélie Bresson, présidente de la Fondation Alice Milliat et Eric Florand, président fondateur de l’Association Alice Milliat

Le 26 juillet 2024, le monde entier saluait un tournant historique : pour la première fois, les Jeux Olympiques affichaient une parité parfaite entre femmes et hommes. Un geste symbolique d’une force indéniable. Un an plus tard, jour pour jour, dix statues des dix femmes en or mise en avant lors de la cérémonie d’ouverture – dont celle d’Alice Milliat – retrouvent leur place à Paris, à deux pas de l’Esplanade qui porte désormais son nom. 

L’image est belle. Mais suffit-elle à faire basculer le mythe dans la réalité  ?

Depuis cent ans, l’histoire du sport féminin se joue entre ombre et lumière. En 1922, Alice Milliat organisait les premiers Jeux Mondiaux féminins pour pallier l’interdiction des femmes à participer aux Jeux Olympiques. En 2024, c’est enfin la reconnaissance mondiale : égalité dans les chiffres, visibilité sur la scène planétaire. 

Des avancées ? Oui. Une victoire ? Pas encore.

Pourtant, derrière cette vitrine dorée, la réalité du quotidien sportif reste obstinément déséquilibrée. La parité dans le sport est-elle désormais acquise ? Pas tout à fait. Elle est, à ce jour, encore largement symbolique, parfois cosmétique. L'égalité d’accès aux équipements, aux postes d'encadrement, à la médiatisation et aux financements reste un horizon encore lointain. Les chiffres ne racontent pas les inégalités structurelles que vivent les sportives au quotidien. 

Les statues et les cérémonies ont leur importance. Mais elles ne sauraient masquer les inégalités qui perdurent dans les faits. Elles doivent ouvrir la voie à des politiques ambitieuses, à une transformation réelle et durable du sport. L’objectif n’est pas simplement de rendre hommage à des pionnières : il s’agit de ne plus laisser les sportives d’aujourd’hui invisibles, sous-financées, reléguées.

Le sport reste un lieu de pouvoir. Tant que les femmes y sont sous-représentées dans les instances de décision, tant qu’elles ne sont pas aussi visibles, aussi financées, aussi valorisées que leurs homologues masculins, la parité relèvera encore du mythe. Un mythe utile, mobilisateur, mais un mythe tout de même.

Ce 26 juillet, nous célébrons la mémoire d’Alice Milliat. Mais surtout, nous lançons un appel : que cette mémoire se transforme en levier de changement réel. Que la parité ne reste pas un instantané olympique, mais le socle d’une révolution durable.

Alice Milliat disait : « Les femmes doivent participer aux compétitions parce qu’elles sont des êtres humains, et qu’en tant que tels, elles ont droit à la même liberté que les hommes. » 

Un siècle plus tard, il ne suffit plus d’en ériger la statue. Il faut en faire vivre le sens